lunes, 7 de abril de 2014

Burgos capitale de la croisade au XXIe siècle

 
Toutes les guerres ont leurs symboles et leurs images qui restent gravés dans la mémoire de l'histoire. Le bombardement de Gernica et le massacre de Badajoz furent un des événements majeurs que les journalistes ont capturé par des images et des enregistrements qui firent le tour du monde, montrant le visage du fascisme. (1)
Les avions nazis qui détruisirent la population civile de Gernica sortirent de l’aérodrome de Villafría de Burgos, alors que le lieutenant colonnel Juan Yagüe Blanco, dirigeait les colonnes qui tuèrent, durant les premier jours du coup d'état , plusieurs milliers de personnes en Andalousie et en Extramadure. Il fut distingué plus tard comme capitaine général de la dictature franquiste de la VIe Région militaire siégeant à Burgos, mais aussi comme citoyen d'honneur et médaille d'or, la plus haute récompense de la mairie de Burgos.
 
En plein XXIe siècle, une exposition est prévue dans un espace municipal, organisée par la fondation que préside Maria Eugenia Yagüe, avec le titre de “Un homme et la résurrection de Burgos, Yagüe.» Exposition impensable dans un pays démocratique.
Dans le musée militaire de Burgos, dans la caserne Diego Porcelos dépendant du Ministère de la Défense, en entrée libre, et où sont organisées des visites scolaires, les panneaux informatifs citent à côté de son buste : “ militaire exemplaire, obéissance, et discipline” “ miséricordieux dans la victoire” “ il participa au premier pont aérien de l'histoire militaire” , « il initia avec des troupes réduites une avancée victorieuse” “ ses troupes libérèrent Barcelone”.
Yagüe ne fut pas un militaire exemplaire et obéissant, puisqu'il participa au coup d'état contre le gouvernement de la République, élu démocratiquement. Qui plus est, des images sont reproduites de son monument du village de San Leonardo (province de Soria) , monument démantelé en 2009, démantèlement qui fut suivi du départ du Parti Populaire de Maria Eugenia après 29 ans de militance, laissant sa carte numéro 1005.
Il ne fut pas non plus miséricordieux dans la victoire. À Badajoz, en réponse à la question du journaliste portugais Mario Nieves, au sujet des rumeurs de 2000 fusillés sur les 3000 prisonniers comptabilisés par Yagüe, celui-ci répondit : “ Il n'y en a pas autant”(2). Qui plus est, lorsque le journaliste du Herald Tribune, John Whitaker le questionna au sujet des fusillés, il n'hésita pas à confirmer le massacre de 10% de la population : “Évidemment que nous les avons tués. Qu'est-ce que vous croyez? Que j'allai amener avec moi 4000 prisonniers communistes, alors que mes troupes avançaient dans un contre la montre? Ou bien que j'allai les relâcher à l'arrière du front et laisser Badajoz redevenir communiste?» (3) Depuis le commandement militaire de Badajoz, il affirma qu'il tuerait quiconque s'affronterait à lui démocratiquement, “ Le droit de grève est totalement interdit. Les responsables syndicaux, dont les organisations proclameront la grève, ou ceux qui ne retourneront pas au travail seront jugés dans des procès sommaires et passés par les armes.» (4)
Bien qu'il participa au pont aérien depuis l'Afrique du Nord vers la péninsule ibérique, dès le début du soulèvement de juillet 1936, le Musée militaire ne précise pas que ce premier pont aérien était composé d'avions de Hitler et de Mussolini. Et ses “troupes réduites” étaient composées de militaires expérimentés et armés, de légionnaires marocains de l'armée régulière, déjà réputés avant la Guerre Civile pour leurs atrocités durant la guerre coloniale du Rif. L’utilisation par le Musée des termes de « croisade de la libération » ou de “libération” est une justification du fascisme et du coup d'état militaire.
Yagüe fut un vice-roy de Burgos, durant une décade que nous pouvons nommer d'ignoble (1943-1952). L'expression toute faite qui fait de Burgos une ville de curés et de militaires est à moitié juste, elle fut aussi la ville des familles de détenus et des détenus républicains eux-mêmes, de centaines d’exilés et de nombreuses fosses communes sous nos pieds.

“ Lui qui fit tant pour Burgos”. Il fit un hôpital, puisque l'on sait que la guerre cause beaucoup de blessés , mais aussi que Dieu donne les maladies mais aussi ses remèdes. Parfois, comme c'est souvent le cas, c'est la même personne. Il fit édifier aussi le quartier qui porte son nom, des maisons extrêmement bon marché, près de la prison bondée et bien loin du centre ville. Il ne fallait pas que les ouvriers furent au coude à coude sur la promenade de l'Espolon avec les distinguées demoiselles de la Section Féminine ou avec les militaires gradés. Ce quartier fut construit dans le plus pur style fasciste dont le but fut celui d'empêcher la circulation des ouvriers et l'autosuffisance alimentaire.
Il réalisa aussi la grande métropole militaire, le West Point ibérique, le plan d'urbanisation de Burgos, rédigé par Paz Maroto (1943) illustre un projet urbanistique où la présence militaire joue un rôle remarquable dans le tracé de la ville avec son académie d'ingénieurs, sa cité sportive et militaire, étranglant les accès du quartier de Gamonal vers celui de Fuentes Blancas- les nouveaux bâtiments du gouvernement militaire, la résidence des officiers, la 2e phase des logements des militaires, la caserne des troupes sanitaires, l'agrandissement de l'aérodrome et des vieilles casernes de Calzadas, etc. Tout cela sur le budget municipal qui par ailleurs n'avait pas l'argent pour paver les rues, rénover des quartiers ou combattre la famine et les maladies galopantes dans les quartiers périphériques.(5)

L'Armée espagnole possédait un peu plus de deux millions et demi de mètres carrés d'installation militaires. Progressivement et en accord avec les nouveaux critères de modernisation, le Ministère de la Défense, depuis 1995, a décidé de vendre une bonne partie des terrains à la mairie de Burgos. Le pouvoir du général Yaguë dans les années 40 avait obtenu, sous la pression, des terrains publiques pour les installations militaires, et, quelques décennies plus tard, ces mêmes terrains passent par des intérêts privés. Pendant ce temps le problème du logement situe le marché immobilier de Burgos parmi les plus chers de l'État espagnol, proche des prix de Madrid, Barcelone ou San Sébastien.
Récemment un rapport du Groupe de Travail de l'Onu sur les disparitions est atterrant. L'Onu a demandé à l'état espagnol de cesser d’utiliser la loi d'amnistie de 1977 comme excuse pour ne pas enquêter sur les disparitions sous le franquisme et a exigé une enquête “exhaustive et impartiale” qui déboucherait sur des condamnations des responsables de ces délits, mais aussi sur la réparation et la réhabilitation des victimes. Le gouvernement ignore ces recommandations.
Le budget que le gouvernement affecte aux associations pour les exhumations des fosses communes, mais aussi la mise à disposition d'espaces municipaux dédiés à ces mêmes associations sont proches du zéro. Il est injustifiable que l'état et les différentes administrations publiques ne mettent pas en place toutes les dispositions nécessaires pour que les recommandations de l'ONU soient suivies. Nous ne pouvons pas tourner la page des crimes contre l'humanité commis durant la Guerre Civile et la dictature, sans reconnaître les victimes. Nous devons exiger la vérité, la réparation et la justice.

Nous demandons à la mairie de Burgos :
Qu'elle retire les titres honorifiques de citoyen d'honneur et la médaille d'or (1945) à Juan Yagüe Blanco: Qu'aucun espace municipal ne soit dédié à la gloire de celui-ci. Qu'elle retire le monolithe de la place Saint-Jean Baptiste et que soit changé les noms du quartier pour un nom plus en accord. Qu'elle retire aussi les médailles d'or de Francisco Bahamonde (1937), Fidel Dávila Arrondo (1939) et de Luis Carrero Blanco(1974). Mais aussi qu'elle aide les organisations qui travaillent pour la récupération de la mémoire historique des victimes de la Guerre Civile et du franquisme à Burgos.

Nous demandons au Ministère de la Défense:
Qu'il retire tous les textes et plaques commémoratives glorifiant le coup d'état de 1936 du Musée de l'Armée de la caserne Diego Porcelos, qui sera prochainement transformé en capitainerie. Qu'il retire les différentes images des chefs du coup d'état, les symboles et les médailles nazis. De même, que soient élevés aux distinctions honorifiques les militaires fidèles à la République et qui furent fusillés à Burgos.

1- Documetaire de la chaîne Historia, déclaration de René Brut ( http://youtube.com/watch?v=BKzFLsHLmoo)
2- Une du journal Diario de Lisboa, 15 août 1936.
3- John T. Whitaker, We cannot escape history, Macmillan, N.Y, 1943, p. 113.
4- Boletín oficial extraordinario de la provincia de Badajoz, 14 août 1936.
5- Luis Castro Berrojo, historien et auteur, Burgos « capitale de la croisade ».

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